La Renaissance d’un Cartonnage Abîmé
Lors du Salon des Artisans de Thomery, une journée pleine de convivialité et de rencontres, un visiteur s’est approché de mon stand avec un ouvrage ancien sous le bras. Dès les premiers instants, j’ai compris que ce livre allait représenter un véritable défi.
Un état critique
L’ouvrage, intitulé Le Sergent Simplet (Paris, Jouvet & Cie, »Voyages excentriques », in-4) était dans un état extrêmement préoccupant. La reliure avait été recouverte d’un film plastique transparent, sans doute dans l’intention de protéger le livre, mais celui-ci était déchiré, jauni, et très usé à plusieurs endroits. À l’intérieur, le corps d’ouvrage était endommagé, avec des débuts de cahiers fragilisés, un tranchefil manquant, une coiffe déchirée, et le tissu au niveau des mors très abîmé. Bref, un livre au bord de l’effondrement.
Quelques jours plus tard dans mon atelier
J’ai commencé par une idée simple : et si on tentait d’enlever ce plastique ? Une semaine plus tard, j’ai commencé les essais. Avec précaution, j’ai utilisé une source de chaleur douce pour décoller le film. À ma grande surprise, cela a fonctionné. Et sous cette couche disgracieuse, j’ai découvert une toile de reliure d’origine en bon état, qui avait été préservée du soleil et de l’usure grâce à cette « protection » improvisée.
Après avoir informé mon client de cette bonne nouvelle, il m’a donné son accord pour procéder à une restauration complète.




Les étapes de la restauration :




Voici le parcours minutieux que j’ai suivi pour redonner vie à cet ouvrage :
1. Séparation du corps d’ouvrage : J’ai d’abord dissocié le corps d’ouvrage de la reliure, une opération délicate qui permet de travailler sur chaque élément séparément.
2. Retrait des pages de garde : Les gardes anciennes étaient très abîmées, j’ai donc décidé de les retirer complètement.
3. Nettoyage intérieur : Les plats de la couverture ont été nettoyés, en éliminant poussière, résidus et anciennes traces de colle.
4. Débrochage : J’ai ensuite débroché le livre, c’est-à-dire démonté les cahiers pour accéder aux feuillets individuellement.
5. Réparation du papier : Cette étape a nécessité patience et minutie : réparation des déchirures, comblement des lacunes, et renforcement des zones fragiles.
6. Nouvelle couture : Avec l’aide de mon cousoir, j’ai reconstitué une couture solide adaptée à la structure d’origine du livre.
7. Apprêt du corps d’ouvrage : Une fois cousu, le corps d’ouvrage a été pressé, consolidé, et préparé à être remonté dans sa reliure.
8. Renforcement du dos : La toile d’origine, bien que jolie, était fragilisée. J’ai donc réalisé un doublement du dos avec une toile neuve, pour garantir la solidité de l’ensemble.
9. Reconfection des coiffes : J’ai ensuite recréé les deux coiffes, éléments essentiels de la tête et queue du dos, qui avaient disparu.
10. Remboîtage L’étape cruciale : remboîter le corps d’ouvrage restauré dans sa reliure d’origine, soigneusement nettoyée et renforcée.
11. Finitions : J’ai procédé à la restauration des coins et des chants, usés par le temps, puis à un estompage délicat des plats pour uniformiser l’ensemble.
Et voilà un aperçu du résultat de la restauration :



Un travail minutieux, une belle récompense
Le cartonnage, autrefois presque irrécupérable, a retrouvé tout son charme. Les couleurs des plats sont éclatantes, protégées pendant des années par ce fameux film plastique peu esthétique, mais qui a joué son rôle. Les illustrations ont également été épargnées par les UV. Aujourd’hui, cet ouvrage est passé d’un état critique à une belle pièce, conservée et respectée dans sa forme d’origine.
Ce type de restauration demande du temps, de l’écoute et un profond respect pour le livre. C’est toujours une fierté de voir renaître un ouvrage entre ses mains.
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Atelier de restauration – Passion et patrimoine du livre ancien

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